Sighet et environs (Maramures)

Publié le par uneautrecesureestpossible.over-blog.com

 

Pourquoi Sighet, d’une parce que Arpi (le mec de Cluj) m’a dit que je kifferai surement et de deux parce que c’est tout près de Steblivka ( la top ferme où j’ai wwoofé en Ukraine) mais de l’autre côté de la frontière, à une vingtaine de km. Et comme le coin était juste parfait pour moi, bah je vais voir, normal. Bref, le train. Dix minutes après le départ, contrôle des billets et je ne suis pas dans la bonne voiture. Donc au bout d’un moment je trouve la bonne et me pose dans un compartiment avec un couple d’une cinquantaine d’années, une autre quinca et une vieille dame. Tout de suite je deviens objet de curiosité. Seule la quinqua parle un peu anglais (rudimentaire, mais on se fait comprendre). Adorable et d’une extrême bienveillance, quand elle comprend que non je n’ai pas d’ami à Sighet et oui je voyage toute seule, elle fait un numéro sur son portable et me passe le téléphone : « Salut, j’m’appelle Anna, t’es avec ma tante dans le train, elle s’excuse vraiment de ne pas parler anglais et veut savoir si elle peut faire quelque chose pour toi, si t’as besoin d’un hébergement, ou si t’as besoin d’argent (WTF ???) ou n’importe quoi elle peut t’aider.» Damned !  Donc je la rassure, en mode je me dépatouille hein, oui je fais bien attention, non je parle pas aux gypsies et je ne marche pas dans les rues toute seule la nuit. Elle est adorable et c’est cool car on arrive quand même à communiquer (elle s’appelle Enikà, elle est hongroise, elle a 2 fils et 2 petites-filles, elle apprend l’anglais avec des cours par correspondance). Avant de partir elle me donne quand même le numéro d’Anna, le sien et aussi son adresse, si je veux venir chez elle. Adorable. La vieille dame sort aussi après m’avoir donné des gâteaux, et dit des trucs en roumain qui semblaient vouloir dire « fais un bon voyage mais sois prudente » ou quelque chose comme ça. Re-adorable. Et c’est pas fini, parce que le couple, une fois arrivés à Sighet, insiste pour prendre le taxi avec moi jusqu'à l’hostel et ne s’en vont qu’une fois m’avoir posée devant la porte. Haha, c’est tellement gentil, franchement j’en reviens pas. Je me dis, soit j’ai une tête de nana complètement à la ramasse et ils ont eu pitié de moi, soit ils sont d’une extrême gentillesse. Réponse B, clairement.

L’auberge, c’est en fait un appart de 2 étages dans le jardin de la maison du proprio, c’est grand, clair, propre, chaleureux, tout en bois et tout.. vide. Fallait s’y attendre hein, mais ça me dérange pas, j’ai tout pour moi et la clé en poche, comme à la maison. Le trip campagne, c’est bien en solo.

Lendemain, je me réveille avec plaisir avec le chant du coq et les aboiements de chiens, forcément j’me dis que ça va être une belle journée. Le « centre » du village, ce sont les 2 rues de part et d’autre de la Piata Libertatii. C’est dimanche, il est 10h et dans la rue devant l’Eglise, une soixantaine de personnes sont recueillies, mains jointes, écoutant la messe de l’extérieur par les hauts parleurs donnant sur la rue. Eglise complète, j’imagine ? Inédit pour moi en tout cas. Quoi qu’il en soit, pour un dimanche matin le village est très vivant, les gamins jouent au terrain de jeu en face de l’église, les cafés sont pleins (il a l’air d’usage de se boire un verre entre potes après la célébration dominicale), c’est bonne ambiance.

 

Je vais visiter le Musée-Mémorial des victimes du communisme et de la résistance, dit Musée de la pensée arrêtée. Je fais pas beaucoup de musée, mais quand j’en fais c’est du lourd. Genre là, … Je pensais y passer une demi-heure, j’y suis restée plus de 3 heures, et encore je me suis dépêchée pour avoir le temps de faire un autre truc avant la tombée du jour. A partir de la fin des années 1940, c’est dans cette prison qu’ont été enfermés (et pas que) les opposants au régime communiste, dont une bonne partie des intellectuels de l’époque. Depuis que la prison est devenue un musée, 87 des cellules de détention ou de torture abordent une thématique de la période grosso-modo 1944-1989, à travers des panneaux, objets, affiches,… Exemples de thèmes : les élections de 1946, la collectivisation, la répression contre l’Eglise, les mouvements estudiantins, Iuliu Maniu, les femmes en prison, la Securitate, etc. Ultra ultra intéressant. Grosse frustration car tout était en roumain, heureusement une nana de l’accueil m’a donné un guide de visite en français très complet (une trentaine de pages Word) qui m’a appris plein de trucs. De grandes salles traitent des sujets un peu plus larges : chronologie de la Guerre Froide, autres pays « de l’Est » : RDA, Pologne, Hongrie, Bulgarie, Albanie, Yougoslavie, Tchécoslovaquie. On peut voir les reconstitutions des cellules dans lesquelles sont morts l’historien Ghoerghe Bratianu et Iuliu Maniu, leader du Parti national paysan. Parmi les objets de « la vie quotidienne », ce truc complètement ouf : une anthologie de poésie en français faite de mémoire par des officiers roumains prisonniers en Sibérie, écrite à l’encre de mûres. Non mais t’imagines ?? Lus de mes yeux, la fin d’un poème de Sainte Beuve, et ça :

Chanson : Combien dureront nos amours / Dit la pucelle au clair de lune / L’amoureux répond : ô ma brune / Toujours ! Toujours ! / Quand tout sommeille aux alentours / Hortense, se tortillant d’aise / Dit qu’elle veut que je lui plaise /  Toujours ! Toujours ! / Moi je dis, pour charmer mes jours / Et le souvenir de mes peines / Bouteilles, que n’êtes-vous pleines / Toujours ! Toujours ! / Car le plus chaste des amours / Le galant le plus intrépide / Comme un flacon s’use et se vide / Toujours ! Toujours !

Et un jeu d’échecs cousu, pas mal. Le surveillant du musée est aux petits oignons, il me montre la chapelle cachée sous terre, qui ressemble à un bunker, et surtout « le convoi », des statues de bronzes, follement flippant. Hommes agonisant, implorant.


Je décide de partir pour un trip un peu plus gai, le Village-musée, un village de (reconstitutions de) maisons paysannes traditionnelles des Maramures perché sur une colline. C’est un peu en dehors du centre ville, donc je commence à longer la « grande route » quand je vois un Asiat sur le même trottoir. On me souffle dans l’oreillette qu’il y a peu de chances pour que ce soit un immigré Chinois en Roumanie (sur-LOL, ça serait awesome), je vais l’tchatcher. Un Japonais, trop cool. Genre entre 35 et 40 ans, sur la route depuis 1 an et 5 mois ( !!! ), dont 6 mois en Inde où il a surkiffé. En solo, mais il pense rentrer bientôt pask’il a plus d’thunes. (BPs’ life, man !) Lui il rentre sur Vadu Izei, à 6 km, où il a son hostel, mais il pense venir dans l’auberge où je suis sur Sighet à partir de demain (cool !). En marchant on rattrape un couple d’autochtones, à qui je demande si je suis toujours sur la bonne route pour mon village-musée, c’est oui et la dame parle (un très bon) français. Au bout d’un moment on tourne, le Japonais continue tout droit, donc je me retrouve avec le couple. Ils habitent la rue du village-musée. A leur porte, la dame me propose de rentrer voir les tableaux de son mari, qui est peintre. J’accepte avec plaisir, idem le petit café. Les tableaux sont effectivement ultra jolis. Au passage je visite leur grande et belle maison, le petit jardin complètement enchanteur, et même l’appart de leur fils cadet (dans le jardin), qui s’appelle Sebastian, qui a 24 ans et qui est à Rome où il fait des études de théologie. Ils sont super cools, Monsieur est artiste et Madame institutrice à  la retraite depuis cette année. Mariana me montre avec fierté les cadeaux que lui ont faits ses élèves pour leurs départs (son départ à la retraite et leur départ au lycée). Seby, leur fiston adoré, est aussi un peu artiste, il chante. Et divinement bien. On s’enfile la vidéo du spectacle annuel de l’école de musique ; comme ça ça parait marrant mais c’était vraiment cool, il a une voix… Un Ave Maria juste à tomber, ça m’a mis une chair de poule.... Après, c’est les photos : Seby à Rome, Seby en Allemagne où il est allé voir le Pape, Seby avec des cardinaux devant je sais pas quelle Eglise, Seby à la Chapelle St Pierre dont il faisait les visites guidées aux touristes, Seby à la messe, dont il ne peut officier qu’une partie car il est encore au séminaire et n’a pas encore été « sanctifié » (selon Mariana, mais je sais pas si on dit comme ça en français, moi j’aurais dit « ordiné ». Si quelqu’un a un éclaircissement à apporter..).  Bref, une famille très catho, mais tellement adorable !


Après, ils décident de venir avec moi au village-musée à deux pas de chez eux, ça leur fera une promenade. Et c’est cool car du coup j’ai les explications en français, et Mariana et son mari ont tellement d’anecdotes trop marrantes à raconter. Et puis eux ça a l’air de leur faire tellement plaisir aussi, et ils trouvent ça trop cool qu’une jeune vienne se perdre dans ce bled paumé en novembre. Le village est super cool, y’a des vieilles maisons et une belle église en bois, des moutons, une belle vue sur le vrai village et surtout sur les montagnes. Derrière les montagnes, l’Ukraine... C’est marrant car quand j’étais là bas, je regardais les même montagnes en me disant : derrière les montagnes, la Roumanie... Il fait trop sombre pour les photos mais je crois que je reviendrais demain ou après-demain juste pour en faire quelques unes, je peux pas partir sans car c’est exactement ce que j’adore : village perdu, campagne partout, moutons bêlant et montagnes au loin. Je raccompagne Mariana et Peter chez eux, prend leur numéro et me promets de repasser prendre un café avant de quitter la région. Et j’ramènerai un gâteau. Mais par contre je reviendrai en stop juste pour descendre la grande route, paske c’est quand même presque 1 heure à pattes et un aller-retour c’est cool, plus c’est du temps perdu, les journées sont courtes. Et justement pour cette raison faudrait que je me mette en mode campagne, dodo tôt et réveil tôt. Mais quand même, j’en reviens pas de cette hospitalité, de cet accueil. Y’a pas de mot, c’est juste incroyable. Ca existe donc, ces gens qui ouvrent spontanément leur maison aux étrangers… Wahou. C’est ultra fat.

 

Le lendemain, je m’apprête à partir quand j’entends des pas dans mon escalier (oui mon escalier de mon appart), c’est le Japonais qui arrive ! Donc j’attends le temps qu’il s’installe, et lui propose de venir avec moi au Cimetière Joyeux, un incontournable de la région. Parait qu’il y a un bus par heure, autant dire plan galère, donc on décide de stopper. Il peut rien nous arriver, je suis avec un Japonais donc obligé il fait du karaté, du kung-fu, de l’aïkido, du ju-ji-tsu ou du judo. Ou du krav-maga. Ou ptètre pas. Bref, un très cool monsieur nous prend sans encombre et nous pose à Sapanta, une 15aine de km après Sighet, et à seulement 3 petits kilomètres de l’Ukraine (on entend –presque- le beuglement des buffles, le sifflement du berger et les aboiements de Micha). La cimetière joyeux, comme son nom l’indique, c’est un cimetière qui est joyeux. (Dur ce soir.) Bon. Tout commence en 1935, quand monsieur Patras, sculpteur sur bois de profession, décida de sculpter une croix pour chaque sépulture du cimetière. Cette croix est peinte en bleu, couleur de l’espoir et de la liberté, et elle porte une épitaphe  rigolote sur la vie du défunt ainsi qu’une illustration, souvent une scène de vie, la personne dans son environnement quotidien, son métier ou ce qu’elle aimait faire. Et nous, on se balade et en regardant de près leur tombe, on découvre un peu qui ils étaient. Celui-ci était cordonnier, celui là instituteur, elle devait être bonne cuisinière, il aimait les femmes, lui était berger, et lui pompier, elle était peut-être libraire, en tout cas elle aimait lire, lui s’occupait des bêtes, elle aimait faire de la couture avec ses copines, et lui était docteur. Ca donne aussi une idée des métiers et de la vie à la campagne. Et le cimetière joyeux porte bien son nom, il l’est. Pas vraiment joyeux genre on fait une fête, plutôt joyeux dans le sens où on imagine avec .. je sais pas, tendresse, affection, ces gens. En tout cas ils laissent un souvenir vivant, je sais pas, je trouve ça bien de se souvenir de quelqu’un en se disant « il aimait bien ci ou ça ».


Devant le cimetière, un vieux monsieur vient me taper discut, il me dit que lui quand il sera mort, il sera représenté avec ses moutons sur la croix. Il fait genre il connaît Strasbourg mais je suis sure que c’est faux lol, mais c’est pas grave, il est ultra gentil. Euh non le monsieur japonais c’est pas mon père. Oui mon père il est en France. Oui ma mère aussi. Qu’est-ce que je fous en Roumanie au lieu d’être à l’école, très bonne question… Je visite ? Ce qui est bien avec le roumain c’est que de loin ça ressemble au français, donc c’est assez facile d’établir une communication de base. Quand c’est à moi de parler, je tente l’anglais, si ça marche pas un truc proche du français avec l’accent roumain (on essaie hein) et un "ul" à la fin du mot. Ouais j’ferais des démo en France :) Genre musée : muzeul, docteur : doctorul, autobus : autobuzul .. Donc bref, le monsieur il est berger et si j’ai bien compris il a au moins 100 moutons, et comme je lui dit que j’adore les moutons (pas réussi à préciser ceux avec une tête noire), il va chez un mec qui a un petit stand de souvenirs juste devant le cimetière et revient avec .. un sac ! en laine de mouton ! c’est cadeau. Triple kiff, un sac en mouton offert par un Roumain. Je fais de mon mieux pour refuser (attends c’est qui le touriste !) mais il insiste, il insiste, et je dois dire que c’est pas à contre cœur que j’accepte, ce sac est oufement beau et ça me touche énormément… Je ne sais pas comment le remercier, j’ai tellement rien du tout sur moi à part des mouchoirs et une bouteille d’eau, c’est juste lamentable… Takashi (oui, c’est son nom, rien que pour ça ça valait le coup de venir en Roumanie) ressort du cimetière, on s’en va. La revedere m’sieur ! On déjeune pour 3€ dans un micro-resto, du porc fumé avec des pois et un shot d’un alcool fort inconnu. L’occas de faire plus ample connaissance avec Takashi. Donc il habite près de Kyoto et dans la vie il est libraire. La première fois qu’il était en Inde il avait 19 ans, et depuis il est retourné 8 fois, damned ! Moi aussi je veux aller 9 fois en Ukraine. Il me dit que de Shanghai y’a moyen de prendre le bateau pour pas trop cher jusqu’à Osaka. Nouvel an au Japon ? J’étudierai ça…Ensuite, on arrive au bord de la route pour rentrer et pas le temps de dire « ouf » qu’une voiture nous prend. On s’arrête dans le village prendre deux autres personnes, charger des trucs dans le coffre, et on y va, tout serré dans la ptite voiture roumaine sur la route de campagne roumaine en écoutant très fort de la musique roumaine. On repasse à l’auberge parce j’ai stupidemstupidement oublié ma carte mémoire d’appareil photo dans l’ordi (ouais, c’est malin), et on re-stoppe vers l’autre bout du village, pour retourner au Village-musée (moi pour photos et Takashi parce qu’il n’y a pas encore été). Au retour on s’arrête dans un cyber café, le seul de la ville en fait, mais Takashi trace à l’auberge car les ordis ne lisent pas les caractères japonais miskin. Retour by night, c’est joli. Les chiens errants se sont mis en boule sur un bout de trottoir pour la nuit, mais sinon c’est aussi animé que la journée : les couples en apnée, les vieilles en commérages, les mecs au bar à descendre des bières. C’est super cliché, mais c’est super Sighet.

 

Aujourd’hui, grosse motiv, le plan c’est d’aller louer un vélo et de partir dans les villages alentours. A l’annonce de mon plan, Takashi fait une tête bizarre et finalement se joint à moi, donc direction le loueur, qui ne loue plus mais va quand même nous dégoter 2 vélos, bref, un bail à la roumaine, deux heures plus tard on a nos vélos. Sauf qu’il va pas falloir trainer, il est midi, à 17 heures il fait nuit noire. Donc easy les 6 premiers kilomètres jusqu’à Vadu Izei, un bled sans intérêt. Passé ce village, on est dans la campagne profonde, y’a plus de charrettes que de voitures (c’est le moment de rentrer le foin pour l’hiver), des troupeaux dans les pâturages, c’est plein de collines verdoyantes, de petites rivières ça et là, j’adore. Premier stop 12 km plus loin, à Barsana, dont la petite église en bois est au patrimoine mondial de l’Unesco. Dommage qu’on ait vu celle du village-musée, c’est  presque la même. Mais c’est charmant quand même. Pas de resto en vue, ça craint, je suis affamée ; pensant trouver des boulangeries sur la route, j’suis à vide. On décide de ne pas aller au monastère, fameux pourtant mais 6 km plus loin. 6 ça va, mais 12 aller-retour ça va pas, faut qu’on trouve à manger avant. Donc on prend une piste vers le village de Calinesti, à 10 km. On s’arrête dans toutes les « pensione » qui ont une fourchette et un couteau sur leur pancarte, mais forcément hors saison, pas de visiteur attendu donc pas de quoi faire table d’hôte. Je suis au bord du désespoir, en plus ça grimpe, gentiment mais longtemps. A la dernière « pensione » où on s’arrête, le monsieur nous dit qu’il va falloir pousser les vélos paske la montée va être terrible. Damned. Donc 300 mètres plus tard, j’en peux plus, jme dis : mais qu’est-ce que tu fous dans ce pays de merde où y’a pas un putain de MacDo dans les 500m à la ronde quoi ! L’horreur genre dès que tu crois que t’es en haut, une autre colline apparaît et comme par hasard tu dois prendre la route qui monte encore. Et là, genre après 2 km de montée sur-hardcore… Le flanc de la colline, et cette route, alala cette route, qui serpentine en descente pendant des kilomètres, c’est comme un champ de barbapapa qui s’offre à nous, à perte de vue = du pur bonheur. Takashi part d’abord, moi je fais une pause car je compte bien profiter de ce don divin en pers. En mode ça fait tellement de courant d’air que je vais choper une otite, mais c’est pas grave. Ca va super vite et ça dure super longtemps la descente sans pédaler, un kiff encore plus terrible que la montée ! Arrivée enfin à Calinesti, Takashi est déjà à une table devant un magasin, mangeant une banane (vélo et banane tout comme mon papa, haha). Le village est comme tous les autres, vieux, poussiéreux, avec ses charrettes et ses tracteurs, ses maisons décorées avec des espèces de morceaux de carrelage colorés (ça doit avoir un nom, Julia, help ?) qui font des formes géométriques, ses portails en bois sculptés… J’explique au monsieur qu’on vient en vélo de Sighet (approx : bicycleta de la sigheta), il trouve ça trop cool et m’offre un biscuit… Sensiblement les mêmes gaufrettes au chocolat qu’on achetait en Ukraine. Je savoure doublement… De là, on est à 21 km de Sighet, mais ça nous a fait tellement du bien de grailler (pour ma part en tout cas, parce que Takashi on sait jamais vraiment ce qu’il pense, il parle pas des masses mais j’apprécie). Retour tout cool, tout plat, même si les derniers kilomètres by night et sur le bord de la route pleine de camions étaient un peu moins agréables que les routes de campagnes désertiques qu’on a faites. Retour 18h, je suis exténuée mais j’ai bien kiffé la campagne et le grand air, 19h 30 je dors et ne me réveille pas quand Takashi vient toquer pour voir si je sors manger. Avant de m’endormir, je pense quand même à appeler Mariana pour qu’elle me renseigne sur l’endroit où je veux aller demain et au passage elle m’invite à déjeuner chez eux.


9h, pas de lumière dans la chambre de Takashi donc je pars en solo, pour le livestock market, à deux pas de chez Mariana. Tous les mercredis matin, les paysans du coin se retrouvent dans ce champ boueux pour vendre leurs chevaux, cochons, moutons et vaches. Une impression de Moyen Age. Des charrettes partout, et dans les carrioles, de gros porcs ou des béliers entassés. Autour, ça discute, ça négocie ferme, ça inspecte les bêtes et ça boit des bières. Forcément avec mon sourire béat sur les lèvres je ne passe pas inaperçu, et pas plus de 10 minutes sont nécessaires avant que tout le monde soit au courant que je suis Française et que je m’appelle Oriane et que j’aime bien les poneys. Alors chacun ou presque me montre ses bestioles, on me serre la main, m’offre au moins 5 cafés et 10 petits gâteaux, ils sont aux petits oignons, c’est ouf. Alors que clairement ils savent bien que j’viens pas pour acheter un cheval. Ils sont très flattés que je prenne des photos de leurs animaux, même certains enlèvent la couverture de leur vache pour que je puisse l’admirer pleinement. Mais ils sont trop timides pour aller eux même sur les photos, faisant signe qu’ils ne sont pas bien habillés. Je tombe complètement sous le charme de ce magnifique canasson à la blonde crinière et aux yeux bleus (« bleus comme tes yeux bleus », comme disait un certain Victor H.), mais raisonnablement je ne demande même pas le prix. Les carrioles vont et viennent, et derrière elles trottent les nouvelles acquisitions, des carnes maigrichonnes ou de magnifiques étalons, des veaux beuglant fort ou des troupeaux de moutons. Je ne sais pas comment mais j’ai passé presque 3 heures sur le marché, et un mec en voiture propose de me ramener au bout du chemin boueux. Il serait malvenu de refuser, même si j’aurai préféré demander à cet autre là, qui lui est en charrette… Mais il est très sympa, parle un peu français et me montre sa carte de Président d’une asso locale pour les Droits de l’homme. Il veut m’inviter à prendre un café en ville mais j’ai déjà un engagement (genre je connais trop de monde à Sighet), je vais déjeuner chez Mariana et Peter. Ca leur fait très plaisir de me revoir, et moi pareil. Je suis priée de regarder TV5 en français dans le salon en attendant que la soupe réchauffe, un documentaire sur la lingerie féminine (haa). La soupe aux pois est home made, et s’accompagne de pain, de saucisse et de chou. Et d’un verre de liqueur de prune, faite avec les fruits du jardin et distillée par la famille qui habite un peu plus loin. Après le repas, Mariana me montre les photos du mariage de son fils aîné, Marius. Son deuxième mariage, parce que malheureusement le premier n’a pas réussi. Pour une famille catholique comme celle dans laquelle je suis, c’est un petit drame. « Il ne faut pas se précipiter dans le mariage », sage conseil de Mariana. « On ne s’est pas entendus avec sa première femme, c’était comme une actrice. » Jolie façon de dire que c’était une pétasse. Mariana a l’air vraiment peinée, d’autant plus qu’ils ont eu un gamin (une charmante tête blonde) et que depuis ils ne peuvent plus le voir etc etc… Bref, ensuite impossible de remettre la main sur les photos de Seby quand il était dans les Alpes en France avec les Scouts, mais je suis assez impressionnée par son aisance à l’ordinateur. Tac, tac, documents, photos, Seby, clique droit, lire en diaporama. Wahou :) Bientôt 15 heures, je les laisse se reposer avant qu’ils ne sortent en fin d’après-midi. Avant de partir ils m’offrent un peu de liqueur de prune « pour mes parents », c’est adorable. Mariana a l’air carrément émue, m’assure qu’elle priera pour que mon voyage se passe bien, et que Dieu me garde, moi et toute ma famille. Rahlala, moi aussi je suis presque émue, toute cette gentillesse tout pour moi ?! Si y’a un Dieu kek part, c’est sur ces gens là qu’il faut veiller (et sur toute ma famille aussi hein, on est d’accord là-dessus). Sérieux, c’est surement une de mes plus belles rencontres jusque là… D’une grande bonté et d’une infinie générosité, comme ils en parlent dans les livres et dans les chansons, mais je ne croyais pas que l’Hospitalité était encore de ce monde… Ou en tout cas pas si simple, si accessible. Je pensais pas que ça arrivait dans la vraie vie. 

 

Encore un de ces soirs où je vais me coucher en me disant que non, tout ne part pas en couille, tout le monde n’est pas encore fou, il reste ces petits paradis sur terre. Vite, avant qu’ils disparaissent…

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J
<br /> Trop fort l'article notamment le passage avec la vieille dans le train.<br /> Elle t'a aimé dès le premier coup d'oeil hein !!!<br /> Un peu comme moi quand je t'ai vu ;-)<br /> <br /> Ta coupineeeeeeeeeeeeeee ! Jam !<br /> <br /> <br />
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O
<br /> <br /> haha Jam, emmène Zyed à la balançoire au lieu de raconter n'imp ;) gros bisous ma belle<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> En ce premier dimanche de l'avent ;-)<br /> Pour répondre à ta demande d'éclaircissement : on parle bien d'ordination mais le verbe transforme le "i" en "o": un prêtre est ordonné.<br /> Du latin ordinatio : "action de mettre en ordre", "action d’organiser la distribution des charges".<br /> Pour tout savoir sur ce sacrement :<br /> http://fr.wikipedia.org/wiki/Ordre_(sacrement)<br /> ou bien http://www.liturgiecatholique.fr/-Ordination-.html<br /> <br /> <br />
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O
<br /> <br /> Haa Maman t'es trop une encyclopédie, c'est ouf.
Y
<br /> Un grand kiff de te lire !<br /> <br /> <br />
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O
<br /> <br /> la même :)<br /> <br /> <br /> <br />